Le Grenelle de l’Education est en voie de se terminer, Blanquer va bientôt se saisir des synthèses des différents ateliers qui y ont eu lieu pour réformer l’Education nationale. Mais quels étaient donc ces ateliers, et quelles sont les recommandations qui ont émergé ?
On aurait pu imaginer :
- Synthèse de l’atelier liberté pédagogique : mise en place de formations à la demande des enseignant.e.s et aides à la mise en place de pédagogies émancipatrices
- Synthèse de l’atelier inclusion : embauche dans les RASED, de psychologues scolaires, ouvertures massives de dispositifs ULIS, UPE2A, etc. avec mise à disposition des enseignant.e.s de temps pour étudier les possibilités d’inclusion des élèves
- Synthèse de l’atelier rémunération : Fin de la rémunération par prime (hors cotisations sociales et n’ouvrant donc aucun droit social ) pour une revalorisation salariale
- Synthèse de l’atelier précarité : Création de statut accompagné d’un vrai salaire pour les AESH, AED et titularisation de tou.te.s les précaires qui le souhaitent
- Synthèse de l’atelier démocratie au travail : institution de temps en équipe pour la gestion administrative collective de l’école et des projets pédagogiques avec une hausse de moyens pour la réalisation de ces projets
- Synthèse de l’atelier droits des fonctionnaires : information des personnels sur leurs droits avec embauche massive de remplaçant.e.s pour permettre les stages et réunions syndicales et l’acceptation sans condition de tout temps partiel demandé.
Ne rêvons pas, le monde d’après ressemble énormément au monde d’avant : c’est toujours Blanquer notre ministre et son aveuglement idéologique semble lui cacher les 40 ans de désastre que cause le néolibéralisme dans les conditions de travail, la perte de sens des métiers, la destruction des services publics, etc.
En réalité, les propositions émanant de ce Grenelle font peur… Pour rappel, les ateliers qui s’y tenaient étaient : « autonomie et déconcentration », « collectifs pédagogiques », « écoute et proximité », « encadrement », « formation », « gouvernance », « mobilités », « numérique », « protection des valeurs de la République » et « revalorisation ». Outre les quelques lubies inhérentes à notre ministre : numérique et valeurs de la République, on pourrait se dire qu’il aurait été possible d’avoir des propositions comme imaginées plus haut ! Mais, en lisant plus précisément, on déchante rapidement :
- Sur les salaires, effectivement, une revalorisation sera proposée mais elle sera au « mérite » ! Elle dépendra de l’investissement hors temps scolaire des enseignant.e.s (formation pendant les vacances ; le retour?). D’ailleurs, il est proposé d’en finir avec le PPCR (cet acronyme ne désigne pas un coton-tige dans le nez mais le principe d’un salaire attaché au/à la fonctionnaire augmentant tout au long de la carrière) ! En effet, l’avancement à l’ancienneté, c’est trop cher pour Blanquer ; des sous pour les seul.e.s méritant.e.s !
- Le fameux chaînon hiérarchique manquant dans les écoles : 4° tentative (1° tentative par Monory en 1987, puis deux autres par Blanquer en deux ans à peine ; voici donc la quatrième tentative). Concours d’accès spécial, validé par le/la DASEN pour s’assurer de l’obéissance, évaluation des enseignant.e.s par la direction…
- L’enseignement secondaire de demain sera managérial : suppression des CHSCT, possibilité pour les chef.fe.s de recruter directement les enseignant.e.s, déjà que c’est chiant d’avoir des chef.fe.s, maintenant, on va avoir des chef.fe.s-DRH !
- Autonomie des établissements : attention, ne pas s’y tromper, on ne parle pas ici de l’autonomie type autonomie ouvrière comme en Italie dans les années 1970, ni de l’autonomie de type auto-organisation à la Castoriadis n’y même de l’autonomie individuelle conviviale comme prônée par Illich ! Ici, chaque établissement devra être autonome dans son lien avec l’État-gestionnaire et prouver au ministre qu’il lui est bien soumis (donc hétéronome) s’il veut avoir des moyens, de plus, on annonce la fin d’un cadrage national des établissements REP, on s’avance vers une privatisation totale de l’enseignement. En revanche, des établissements voulant une trop grande autonomie réelle quant à ses liens avec l’État sera vite privé de moyen et subira des sanctions… Quelques sigles qui devraient faire leur apparition et dont il faudra très vite se méfier car ils cachent un avenir très gris : PARE et DOCOB
Mais d’où sortent ces propositions dignes d’une dystopie ? Qui sont ces gens (tirés au hasard?) qui nous balancent ces idées ? Sûrement pas des profs en tout cas ! Petit indice ; la grande majorité de ces propositions coïncident avec les argumentaires jonchant les livres qu’a écrits Blanquer traitant de sa vision de l’Ecole.
Il ne faut pas se mentir, cette destruction de l’Ecole n’est pas due à un manque de lucidité ou de discernement de la part de l’exécutif ; c’est un choix politique. Pour le combattre, il ne faut pas « rétablir la vérité » sur nos métiers, nos conditions de travail, etc. pour faire entendre raison aux décidants. En réalité, toutes ces mesures relèvent d’un choix, conscient, éclairé et avant tout politique. Nous ne pourrons les combattre qu’en construisant un rapport de force et en imposant notre vision de l’Ecole !
Un article du café pédagogique qui décortique le schmilblik :
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/01/26012021Article637472421238032434.aspx
Et si vous voulez vous faire votre idée vous-même, les synthèses des différents ateliers sur le site-même du min-austère :
https://www.education.gouv.fr/grenelle-de-l-education-syntheses-des-ateliers-309067