Motion de la coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis
La coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis, aux côtés d’autres secteurs en lutte, a rassemblé plus de 750 étudiant·es, enseignant·es et/ou chercheur·es appartenant à 82 disciplines, ingénieur·es, membres des personnels administratifs, techniques, sociaux, de santé et des bibliothèques (BIAT.O.SS, IT.A), précaires ou titulaires, venu·es de nombreux établissements d’Île-de-France et de 33 autres agglomérations, ainsi que de 5 pays étrangers.
Dans la continuité du mouvement interprofessionnel initié le 5 décembre, la coordination appelle à la grève contre la casse des retraites, la réforme de l’assurance chômage, la sélection à l’université (ParcourSup), l’augmentation des frais d’inscription et en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (Bienvenue en France), la réforme de la formation des enseignant·es, et le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), qui, dans l’esprit de la Loi de Transformation de la Fonction Publique de 2019, va achever la destruction du service public de l’enseignement et de la recherche. Nous savons que ces logiques néolibérales ne sont pas propres à notre secteur. Elles frappent avec violence tous les secteurs publics et s’intensifient dans les secteurs privés : mise en concurrence systématique, sur-travail et travail gratuit, dérives managériale et autoritaire, perte de sens du métier et de son utilité sociale, maltraitance et souffrances des agent·es comme des usager·es, course à la rentabilité, recul de la solidarité, précarisation, bureaucratisation, répression, division internationale inégalitaire du travail scientifique, discrimination selon le genre, la classe, la race, le handicap, la nationalité, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, etc. La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail, d’étude et de vie, qui touchent les acteurs et actrices du privé comme du public, affectent d’ores et déjà le monde universitaire.
En effet, l’université et la recherche reposent aujourd’hui sur le travail gratuit, l’exploitation et l’invisibilisation d’un ensemble de travailleur·ses : membres du personnel d’entretien, de sécurité, de restauration, dont les tâches sont massivement sous-traitées ; membres du personnel technique et administratif ; soignant·es et travailleur·ses sociales·aux ; étudiant·es ; doctorant·es et post-doctorant·es, vacataires d’enseignement et de recherche. Ici comme ailleurs, cette précarité, qui touche prioritairement et plus durement les personnes appartenant à des groupes discriminés, peut se traduire par le mal-logement et la malnutrition, le manque d’accès aux soins et aux produits de première nécessité, la mobilité forcée, des souffrances psychiques (burn out, dépression, anxiété, etc.).
Malgré les déclarations d’intention, cet ensemble de réformes n’offre aucune solution à cette précarité généralisée mais, bien au contraire, l’aggrave. La réforme des retraites, dans un milieu marqué par des carrières tardives et hachées, viendrait prolonger ces situations de précarité après l’arrêt de l’emploi. Avec la réforme de l’assurance-chômage, qui cible les contrats courts, les précaires de l’enseignement et de la recherche voient leur situation s’aggraver. La Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) en préparation dégraderait les statuts et les conditions de travail (CDI-chantier, tenure track, généralisation du financement sur appel à projets…). La sélection à l’entrée et l’augmentation des frais d’inscription à l’université détérioreraient encore davantage les conditions d’étude et de vie des étudiant·es, en particulier étrangèr·es.
Contre cette vision néolibérale et autoritaire, contre la marchandisation des savoirs, nous voulons un véritable service public d’enseignement et de recherche, intégré à une éducation publique de qualité de la maternelle à l’université, financé à la hauteur de ses besoins grâce à un plan d’investissement massif jusqu’à 1% du PIB pour la recherche publique. Contre la prolifération des emplois précaires, nous voulons un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires. Contre la précarité étudiante, nous voulons la mise en place d’un salaire étudiant. Contre l’extractivisme scientifique et la colonialité de la recherche et de l’enseignement, nous voulons des relations scientifiques et universitaires fondées sur le partage et la co-construction des savoirs ainsi que sur la libre circulation des personnes. Contre la compétition généralisée, les logiques d’exclusion et de discrimination, nous voulons une université ouverte à tout·es, fondée sur la coopération, productrice d’émancipation collective et de justice sociale.
Jusqu’au retrait de l’ensemble de ces réformes, nous continuerons la lutte aux côtés de nombreux autres secteurs, en nous mobilisant au sein de l’enseignement et de la recherche, comme dans les actions interprofessionnelles. Nous condamnons absolument les violences policières et la répression qui s’abattent sur les mouvements sociaux, comme elles frappent déjà constamment les personnes les plus précarisées et les plus discriminées. Face à l’obstination et à la violence du gouvernement, nous appelons à poursuivre et étendre la grève reconductible dans l’enseignement et la recherche !
Cette motion est adoptée à l’unanimité des votant·es, avec trois abstentions.
Calendrier de mobilisation établi par la coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis :
5 février : Actions et rassemblements pour célébrer les deux mois de la mobilisation (à l’occasion d’une mobilisation particulière de la fonction publique)
6 février : Formation de cortèges des Facs et Labos en Lutte dans les manifestations interprofessionnelles
11 février : Journée de mobilisation sur la précarité,à l’appel de l’assemblée générale nationale des précaires, avec la mise en place en piquets de grève devant les Facs et Labos
17 février : Formation de cortèges des Facs et Labos en Lutte dans les manifestations interprofessionnelles ou réalisation d’actions dans les campus, selon les contextes locaux
5 mars : « L’université et la recherche s’arrêtent » => notre objectif collectif : aucune fac ni aucun labo en fonctionnement
6 et 7 mars : Deuxième coordination nationale des Facs et Labos en Lutte
8 mars : Formation de cortèges des Facs et Labos en Lutte dans les mobilisations et les grèves féministes
La coordination nationale appelle à la tenue d’assemblées générales locales (de laboratoires, de départements, d’UFR et d’universités ; de catégories d’usager·es et de travailleur·ses) afin d’organiser la grève notamment grâce aux modalités d’action suivantes.
Voici la liste des différentes propositions d’action issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
Mise en place d’une grève réelle et effective :
Bloquer et dénoncer toutes les sanctions pédagogiques et disciplinaires ainsi que les pressions hiérarchiques contre les lycéen·nes, étudiant·es et travailleur·ses mobilisé·es.
Mettre fin aux heures complémentaires pour tou·tes les travailleur·ses titulaires.
Se réunir en rencontres inter-catégorielles, inter-disciplinaires, inter-composantes, inter-labos pour discuter de la mobilisation.
Appeler les travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche titulaires à :
ne plus donner cours pour libérer à tou·tes du temps pour la mobilisation
refuser d’organiser les partiels en modifiant si nécessaire les règles de contrôle des connaissances.
pratiquer la rétention des notes et cesser toute forme d’évaluation.
cesser la remontée des maquettes.
refuser de participer aux jurys semestriels.
cesser toute activité de recherche (terrains, expériences, traitements de données, rédactions…).
interrompre l’activité des revues scientifiques.
annuler l’organisation ou la participation à tous les événements et réunions scientifiques.
suspendre jusqu’à nouvel ordre tout appel à communication ou à contribution.
n’assurer le travail d’encadrement de la recherche qu’en réponse à des demandes explicites des étudiant·es ou des doctorant·es concerné·es.
refuser de recruter des vacataires pour la prochaine rentrée.
refuser tout contrat LRU, CDI chantier, contrat trop court et vacations abusives ; exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme.
participer à l’alimentation des caisses de grève, notamment en reversant des jours de salaire lorsqu’ils ne sont pas prélevés.
bloquer ParcourSup.
refuser de participer aux corrections et aux jurys du baccalauréat et de tous les concours de l’Éducation Nationale.
arrêter de gérer les contrats.
boycotter et démissionner des systèmes d’évaluation (HCERES, ANR, etc.).
démissionner des responsabilités collectives.
Actions de pression et de visibilisation :
Envoyer massivement des articles aléatoires aux revues prédatrices.
Fabriquer un mini-mémo avec les droits et l’explication des réformes.
Faire signer un contrat d’engagement individuel à tout arrêter.
Signer les publications « Université publique » ou « Service public de l’enseignement et de la recherche ».
Facturer le temps de travail pour l’ANR et l’envoyer à l’ANR.
Pour une mobilisation interprofessionnelle :
Organiser et animer des universités ouvertes et populaires permanentes.
Rejoindre et participer activement aux actions interprofessionnelles.
Pour une mobilisation inclusive et solidaire :
Mener des actions juridiques et solidaires des travailleur·ses et étudiant·es étrangèr·es de l’enseignement et de la recherche.
Mener des actions juridiques et solidaires des réprimé·es du mouvement social.
S’opposer aux contrôles des titres de séjours des étudiant·es dans les universités.
Dénoncer toutes les discriminations dans les procédures de recrutement en France.
La coordination nationale appelle également à ce que les assemblées générales locales se prononcent collectivement sur les revendications suivantes pour mandater sur ces points des délégué·es à la prochaine coordination nationale des Facs et Labos en Lutte qui se tiendra les 6 et 7 mars 2020.
Voici la liste des différentes propositions de revendications issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
Le retrait des réformes et des projets de réforme suivants :
Réforme des retraites.
Réforme de l’assurance chômage.
Sélection à l’université (ParcourSup).
Augmentation des frais d’inscription, en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »).
Projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR).
Loi de Transformation de la Fonction Publique.
Réforme de la formation des enseignant·es.
Pour un monde de la recherche et une université égalitaires et non-discriminantes :
Mettre un terme aux discriminations dans les recrutements et instaurer l’égalité dans les rémunérations et les responsabilités.
Abroger les critères de nationalité dans l’accès aux études, aux postes et aux financements.
Garantir à tou·tes les étudiant·es étrangèr·es le droit d’étudier en sécurité administrative et juridique (renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée des études).
Garantir à tou·tes les chercheur·ses étrangèr·es un visa.
Imposer le respect effectif du droit à utiliser un prénom d’usage.
Développer les programmes d’accueil des étudiant·es et chercheur·ses en danger dans leurs pays de résidence.
Avoir dans toutes les instances de décision des représentant·es de tou·tes les membres de l’enseignement et de la recherche (précaires, étudiant·es, etc.).
Appliquer des sanctions réelles contre les personnes coupables de harcèlement sexuel et/ou moral.
Mettre en place des crèches gratuites dans les universités et les établissements de recherche.
Recruter des soignant·es et des travailleur·ses sociales·aux.
Pour l’amélioration des conditions de travail et d’étude dans l’enseignement et la recherche :
Une université gratuite pour tou·tes et ouverte à tou·tes.
Le respect du droit du travail.
La rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les travailleur·ses administratif·ves, techniques et ingénieur·es (BIAT.O.SS et ITA), les enseignant·es et/ou chercheur·ses non-titulaires, les étudiant·es.
La revalorisation immédiate des bourses étudiant·es et la mise en place d’un salaire étudiant pour toutes et tous.
L’arrêt de la sous-traitance et la réintégration des services externalisés dans nos établissements.
La revalorisation des grilles de salaires de toutes les catégories de travailleur·ses et l’augmentation du point d’indice (gelé depuis 10 ans avec un retard de 17%).
L’alignement immédiat des salaires des non-titulaires sur ceux des statutaires.
Un plan massif de recrutement et de titularisation dans toutes les catégories de travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche, sur statut de fonctionnaire avec respect des grilles salariales.
La titularisation de tou·tes les contractuel·les et vacataires employé·es sur des fonctions pérennes.
L’alignement des primes sur le reste de la fonction publique pour toutes les catégories de travailleur·ses et la transformation des primes en rémunérations pérennes.
La fin des primes au mérite.
Le dédoublement systématique des TD à partir de 30 étudiant·es.
Une vraie formation continue à la pédagogie (avec un temps de travail réservé à cela) pour tou·tes les enseignant·es.
Le passage à 128h d’enseignement en présentiel pour les enseignant·es, afin de dégager du temps pour l’encadrement des étudiant·es, la réflexion sur la pédagogie et la recherche ainsi que pour partager le travail entre plus de titulaires.
Pour une redistribution égalitaire des budgets de la recherche :
La suppression du Crédit impôt recherche.
La suppression de l’ANR.
La suppression de l’HCERES.
La suppression de l’IUF.
L’arrêt des Idex, Labex et autres structures « d’excellence ».
La garantie que chaque instance de financement soit composée à majorité d’élu·es.
La redistribution égalitaire des budgets des différentes agences, pour arriver à 14 000 euros par an et par travailleur·ses.
La gestion collective dans les laboratoires de l’ensemble des financements.
Le refus de la logique d’évaluation individuelle généralisée, notamment pour les BIAT.O.SS et ITA qui y sont déjà soumis.e.s.
Pour un service public de la publication de la recherche :
Refuser la bibliométrie comme outil d’évaluation.
Défendre la science ouverte et la libre diffusion des travaux de recherche.