Les passations des évaluations nationales sont terminées et les remontées sont censées l’être tout autant. Cependant, devant le carnage des passations et le non sens pédagogique que nous décrivions dans l’article qui suit, la résistance a pris corps. Des écoles ont fait connaître leur position quant à la non passation des évaluations. La non remontée est directement visible, puisque rien n’apparaît sur l’ordinateur des chef-fes. En effet, chaque enseignant-e a un accès avec identifiant et mot de passe à la plateforme qui centralise les remontées. Les chef-fes savent donc vite si vous avez rentré des données ou pas.
D’après nos remontées, des IEN continuent de mettre la pression, toujours à l’oral, mais cette fois en menaçant d’un retrait de salaire. Pour le moment, rien à l’écrit mais Sud éducation 31-65 suivra de près cette menace de sanction et réitère son soutien à tous les personnels qui refuseront de faire passer les évaluations nationales qui ne sont encadrées par aucun texte juridique à ce jour. Nous attendons une réponse du ministère à ce sujet.
Notre analyse et pourquoi nous appelons à boycotter ces évaluations :
Nouveauté cette année, il est demandé aux enseignant.es de CM1 de faire passer des évaluations nationales. Une évaluation de plus qui se rajoute à celles de CP, de CE1, de 6°, de 4° et de seconde… Les ministres changent mais l’évaluationnite aigüe de nos chef-fes semble bien contagieuse. Et pourtant, il y a tant à redire sur ce genre d’évaluations !
Contre sens pédagogique et dénie de la réalité affective des enfants.
D’abord, au niveau des élèves. Sur 6 rentrées en 10 ans les élèves subissent dans les premières semaines de leur année scolaire un stress énorme. Les personnels qui travaillent réellement sur le terrain savent pourtant que c’est dans ces premières semaines que s’établit un climat de confiance dans la classe, les affects relationnels se construisent dès les premiers jours et soumettre les élèves à la solennité d’une semaine d’évaluation peut s’avérer très perturbante pour certain.es élèves.
De plus, le caractère national de ces évaluations est un déni de la disparité des territoires ; comment peut-on considérer évaluer de la même manière des élèves de zone rurale ou de zone urbaine mais aussi des élèves issus de quartiers populaires ou de l’hyper centre urbain avec un capital culturel et économique différent. Et surtout à quoi cela servirait-il ? De montrer qu’il y a des besoins particuliers dans les zones déjà estampillées « prioritaires ». Sans blague !? Dans ce cas, pourquoi les ministres successifs s’évertuent à démanteler l’éducation prioritaire ? Ah oui, c’est vrai, ça coûte plus cher… Et ces évaluations permettront de dire que la problématique d’inégalité scolaire n’est pas due à des inégalités sociales mais constitue une problématique seulement pédagogique et individuelle qui peut être résolue par un moyen qui coûte beaucoup moins cher que la REP/REP+ : un livret de remédiation clef en main.
Les enfants ne sont pas des robots dont les comportements, les besoins et les conditions d’apprentissage peuvent être pilotés nationalement par des gens qui ne sont pas en classe.
Au niveau des profs : Nous évaluons nos élèves tout au long de l’année et tout le long des apprentissages. Nous différencions notre pédagogie en fonction des besoins et difficultés des élèves. Nous construisons nos outils d’évaluation et de remédiation pour faire progresser les élèves à leur rythme. Nous menons en équipe une réflexion concernant ces sujets qui font partie intégrante de notre métier. Ces injonctions « d’en haut » dénient totalement notre capacité à remplir ces missions et tendent à standardiser une partie de notre métier.
Aussi, la procédure de passation des évaluations est dystopique : chaque phrase, chaque consigne est dictée au mot près. Toute étape est chronométrée. Les dirigeant.es considèrent le métier d’enseignant.e comme un rôle d’exécutant.e. Dans 10 ans, si on poursuit dans cette direction, tou.tes les enseignant.es auront-iels des consignes sur quel mot dire, quelle posture adopter minute par minute tout le long de l’année. La liberté pédagogique s’efface devant la robotisation du corps enseignant.
Elles ne sont pas obligatoire !
Aucun texte n’existe dans ce sens…
SUD Education 31-65 appelle à ne pas faire passer ces évaluations, ne pas faire remonter ces résultats, à lutter collectivement contre cette vision de l’école.
Nous soutiendrons tou.tes celles et ceux qui refuseront de faire passer les évaluations.
Un dispositif au service d’une vision libérale de l’école
Essayons d’analyser ce que peut réellement apporter au gouvernement la mise en place de ces évaluations nationales :
– faire comprendre aux élèves dès le plus jeune âge l’autorité de l’État et que tout au long de leur vie, iels seront contrôlé.es, que leurs « performances » seront sans cesse évaluées ; un avant-goût du monde du travail.
– participer à l’entreprise de destruction de l’éducation prioritaire en cours. Les REP/REP+ considèrent que les inégalités sociales ont une influence sur les inégalités scolaires et tentent de mettre plus de moyens là où c’est nécessaire. Les évaluations nationales et leur « livret de remédiation » sous-entendent que les raisons aux inégalités scolaires sont individuelles. L’échec est incarné dans l’individu.
– nier la liberté pédagogique des enseignant.es. Ça a toujours été un grain de sable dans la machine autoritaire cette liberté pédagogique, les fait de dicter les faits et gestes des travailleur.euses de l’éducation la rogne.
– mis en parallèle avec la vision libérale de Macron de l’école : la mise en concurrence des établissements et des personnels. Ces évaluations sont un outil formidable pour alimenter cette vision.