Article VISA : Zemmour et ses transfuges à la reconquête du Pétainisme !

lun 07/03/2022 – 20:49

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La liste des ralliements vers Zemmour s’allonge régulièrement, subtilement étalée dans le temps pour occuper un espace médiatique plus ou moins complaisant.

Qui sont ils ? D’où viennent-ils ? Pourquoi le font-ils ? Quelles conséquences pour l’extrême-droite et la droite ?

En parallèle, les discours racistes se radicalisent et les actes de violence commis par les groupuscules fascistes se multiplient.

Et pour couronner le tout, les thèmes chers à l’extrême-droite se retrouvent dans la bouche de trop de candidat.es.

La campagne des présidentielles 2022 s’annonce sous les pires hospices, bien loin des préoccupations et des urgences sociales.

 

Une liste non exhaustive mais significative

 

Damien Rieu

Avant même le ralliement d’élus ou de caciques du RN, Eric Zemmour avait pu compter sur le soutien de plusieurs personnalités issues de la droite de la droite : Philippe de Villiers, fondateur et président du Mouvement pour la France, deux fois candidat à la présidentielle.

Ou encore Christine Boutin, qui figure parmi ses soutiens les plus actifs, tout comme le président actuel du parti VIA qu’elle a fondée, le député Jean-Frédéric Poisson.

Au niveau local, de nombreux élus locaux ont aussi rejoint Reconquête !, en particulier en Auvergne-Rhône-Alpes, avec les élus régionaux RN Stéphane Blanchon, Christophe Boudot, Vincent Lecaillon ou en Pays de Loire avec Éléonore Revel.

De toutes évidences, cette recomposition de l’extrême-droite ne s’arrêtera pas aux élections présidentielles, les législatives sont dans le viseur de la Zemmourie, tout comme la place de « porte parole » de toute l’extrême-droite.

Jérôme Rivière

Gilbert Collard

Stéphane Ravier

Maxette Pirbakas

Stéphane Blanchon

Vincent Lecaillon

Jean-Guillaume Remise

Cyril Hemardinquer

Adrien Rubagotti

Sophie Grech

Nicolas Bay

Guillaume Peltier

Benoît Kandel

Lorrain de Saint-Affrique

 

En annonçant fin janvier qu’elle ne soutiendrait pas sa tante, Marion Maréchal n’a pas à ce moment-là rejoint la campagne de Zemmour, mais a récemment déclaré :

« Eric Zemmour a une marge de progression plus grande chez les classes populaires et les abstentionnistes que Marine Le Pen auprès des classes supérieures. Il est difficile de se défaire d’une image en politique « 

Marion Maréchal a officialisé son ralliement à Zemmour lors du meeting de Toulon le 6 Mars.

Quant à Jean-Marie Le Pen, il a assuré que « bien sûr » il soutiendrait sa fille, tout en rappelant sa sympathie pour Eric Zemmour…

Si tous ces ralliements de faits ou de paroles n’ont pas exactement les mêmes motivations, il n’en demeure pas moins qu’ils semblent fortement stimulés par un retour à l’idéologie Pétainiste de l’extrême droite

Manifestement, la stratégie dite de dédiabolisation du Fn / Rn, même si elle n’est qu’un leurre, pousse aujourd’hui ses détracteurs à rejoindre un candidat affichant  au grand jour son idéologie fasciste, raciste, sexiste et anti-syndicale.

Début février 2022, à Lille, Zemmour a déclaré : « face à la folle lutte des classes (…), je serai le président de la réconciliation des classes, le président qui réunira l’entrepreneur et le travailleur ».

Ces propos reprennent quasiment à la lettre les termes de la charte du travail, adoptée en 1941 sous Pétain, qui abrogeait les syndicats et prônait l’entente entre patrons et salariés, sous l’appellation d’ordre nouveau corporatiste, d’inspiration mussolinienne. L’extrême-droite est l’amie des capitalistes, elle est et sera toujours notre pire ennemie !

Quelles conséquences pour l’extrême-droite et la droite ?

Au-delà de ces ralliements, Reconquête !, le parti de Zemmour créé en décembre 2021, s’appuie aussi sur des militant.es qui débutent. C’est par exemple le cas en Dordogne avec Nathalie Ballerand qui, dès le printemps 2021, avait créé Les Amis d’Éric Zemmour avec « un petit noyau » qui a commencé « comme une start-up », explique-t-elle au journal Sud Ouest.

En Dordogne comme dans d’autres régions, la croissance a été rapide. Elle refuse de donner son nombre d’adhérents, mais évoque « une base de 1 800 sympathisants », invérifiable. « Certains sont des déçus d’anciens partis mais d’autres n’ont jamais adhéré. »

Des anciens Mégretistes, des souverainistes en mal de leader, des transfuges du Fn / Rn et des dirigeants du Centre national des indépendants et paysans et de Civitas, des militants violents de l’Action Française, tel est ce noyau de couleur « brun vif ». Si Nathalie Ballerand reconnaît au passage que « quelques groupuscules gravitent autour » elle préfère veiller à ce qu’ils « n’abîment pas l’image de rassemblement des droites », plutôt que les « écarter ».

En Dordogne comme ailleurs, les héritiers de Pétain ont des bons copains !

Sous couvert de construire une union des droites, on assiste surtout à une tentative d’unification de cette partie de la droite de la droite qui a été régulièrement exclue du pouvoir lorsque la droite « classique » y a accédé, qui n’a jamais digéré la Révolution et qui s’était vautrée jadis dans la collaboration.

En fait, Zemmour essaie de réunir les résidus de la droite antirépublicaine : Il absout et glorifie Pétain, remet en doute l’innocence de Dreyfus, ne veut plus que les juges constitutionnels s’appuient sur les Droits de l’Homme…

Zemmour est le zélé représentant de cette droite extrême/extrême droite, contre révolutionnaire, colonialiste, raciste, sexiste, homophobe, complice des immondices du fascisme, du nazisme et de l’antisémitisme.

Si Eric Zemmour absout Pétain de son antisémitisme, c’est parce que cela constitue le ciment idéologique et révisionniste de sa déclaration de guerre contre les immigré.es, les réfugié.es, les Français.ses de confessions musulmanes et les populations des quartiers issues de l’immigration post coloniale.

La théorie du grand remplacement sacralisée par Zemmour, banalisée par certains médias et reprise par la quasi totalité des politiciens de droite et d’extrême droite est directement issue de la pensée des antisémites français et du nazisme.

A la fin du XIXe siècle Maurice Barrès, parlant des juifs, dénonçait « l’envahissement de notre territoire et de notre sang par des éléments étrangers qui aspirent à soumettre les éléments nationaux« .

En 1946, d’anciens Waffen-SS affirmaient que désormais toute l’Europe était occupée par les nègres (les soldats américains) et les mongols (les soldats russes), et qu’il fallait libérer le continent par une nouvelle résistance.…

Zemmour se situe donc bien au cœur de l’extrême-droite historique et réactionnaire, comme le démontre aussi la liste de ses invités VIP au meeting de Villepinte, avec notamment Jérémie Piano, porte-parole de Génération identitaire (GI) lors de sa dissolution, en mars 2021.

Cette liste , obtenue par Mediapart, permet d’affirmer que la frange la plus radicale de l’extrême droite s’est rangée derrière le polémiste.

https://www.mediapart.fr/journal/france/230122/hauts-fonctionnaires-cadres-sup-et-decus-de-la-droite-enquete-sur-les-premiers-cercles-d-eric-zemmour

Quel que soit son résultat aux élections présidentielles, il s’efforce d’ores et déjà de mailler le territoire dans l’optique des élections suivantes, en siphonnant des forces vives du Fn / Rn mais pas que.

Pour l’instant, il reste sourd aux signaux de son ami Robert Ménard, qui multiplie les appels à l’unité et à une candidature unique de l’extrême-droite, tout en soutenant officiellement mais timidement Marine Le Pen.

Une autre hypothèse consiste à penser que Zemmour et ses soutiens financiers pourraient lancer une OPA sur le Fn / Rn, surtout si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour des présidentielles et qu’elle est battue.

Cela leur éviterait de devoir construire un appareil politique de A à Z en profitant des structures existantes et des transfuges de nombre de leurs dirigeant.es.

Ensuite, l’opération implosion des Républicains semble bien en route : les révélations de Libération sur la primaire LR sont une petite bombe atomique et vont contribuer à la chute vertigineuse de Pécresse déjà bien entamée.

La suite logique pourrait être le ralliement de Ciotti à Zemmour… et la  fracture béante des LR s’ils ne sont pas au deuxième tour de la présidentielle ce qui peut entraîner  leur implosion et une recomposition de l’extrême droite aux législatives.

Enfin, un paramètre décisif pourrait accélérer la recomposition de l’extrême-droite, c’est l’âge et l’état de santé du fondateur du Fn. En effet, s’il venait à disparaître d’ici peu, les prétendant.es au titre de leader estimé (mais pas estimable) de l’extrême droite française seraient débarrassé.es d’un cacique encore très influent dans ce milieu même si la guerre de succession a déjà commencé…

 

Vigilance et résistance unitaire !

Face à la montée des discours de haine, qui en plus ne se limitent pas aux candidat.es d’extrême-droite, face aux actes de violences de la part de groupuscules fascistes contre des locaux syndicaux et contre des militant.es, face à la banalisation des thèmes sécuritaires et de la stigmatisation des « étranger.es » dans le débat des présidentielles, le mouvement social se doit d’être plus que vigilant.

Fort heureusement, cette vigilance s’organise et les actions de solidarité se multiplient en direction des victimes de l’extrême-droite et des populations honteusement vitupérées, tout comme les appels unitaires à manifester lors des meetings des Zemmour et Le Pen.

« Notre pays construit des ponts pas des murs. D’où que l’on vienne, où que l’on soit né·e, notre pays existe. Il s’appelle Solidarité.

Notre pays n’a ni carte, ni limites. Il ne fait pas la guerre si ce n’est au fascisme, au colonialisme, au racisme, à l’injustice et aux inégalités.

Notre pays n’existe pas isolé, atomisé, soumis. Il existe dans tout ce qui relie, regroupe, donne confiance et lutte.

Notre pays est en grand danger.

Il doit sortir, se montrer, se lever. Vivre. »

https://www.antiracisme-solidarite.org

 

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Retour sur le pedigree des transfuges

Damien Rieu : Ancien d’Assas. Viré de la maison à 17 ans par son père, militant du PCF, pour avoir rejoint le FNJ. Co-fondateur & porte-parole de Génération identitaire ; devenu en 2019 l’assistant parlementaire de Philippe Olivier (époux de Marie-Caroline Le Pen & ex-mégrétiste).

Jérôme RIVIERE : Ancien de Démocratie Libérale (DL), le parti d’Alain Madelin, puis député UMP de 2002 à 2007 & enseignant en Ecole de commerce.

En 2007 : membre de la direction de campagne du candidat Philippe de Villiers puis soutien à Nic. Sarkozy au second tour. Il s’est rapproché du FN en 2015, pressenti comme tête de liste aux régionales (il ne le sera finalement pas), candidat soutenu par le FN aux législatives de 2017, puis élu député européen du RN en 2019. Interlocuteur régulier de Steve Bannon de l’extrême droite nord-américaine. Actuellement, sur les plateaux TV, il critique Marine Le Pen surtout pour avoir écarté les catholiques tradi.

Gilbert COLLARD : Il a été lambertiste, mitterrandien, membre du MRAP & avocat de celui-ci (exclu du MRAP pour avoir prétendu à tort qu’il était président de l’association à Marseille & pour avoir défendu le négationniste Bernard Notin devant les tribunaux, en 1990), puis centriste, puis proche de Charles Pasqua, puis député du FN à l’Assemblée nationale de 2012 à 17. Bref, un Monsieur au parcours très constant…

 

Stéphane Ravier : Membre du FN depuis 1991 (il est né en 1969) puis conseiller régional PACA en 2010 ; conseiller municipal à Marseille & maire du septième secteur de 2014 à 2020 (battu aux municipales de mars & juin 20) ; sénateur depuis 2014.

La même année, il a publiquement défendu la notion de « grand remplacement » utilisée par Renaud Camus, alors que Marine Le Pen critiquait la portée complotiste du concept dans une interview au JDD. Une de ses plus belles citations : « Je vais vous en foutre, du vivre-ensemble. »

Maxette Pribakas : Agricultrice antillaise & syndicaliste en Guadeloupe où elle défend le localisme. A rejoint le RN en 2019 puis désormais Zemmour.

Stéphane Blanchon : Conseiller régional du RN en AURA (Auvergne-Rhône-Alpes) élu en 2019. Syndicaliste, exclu de l’UNSA, et membre d’un comité technique au ministère de la Santé.

Vincent Lecaillon : Militant du FN depuis 1984, ancien sous-officier parachutiste  puis professeur d’histoire-géographie en lycée ; conseiller régional  en AURA (tête de  liste en Haute-Savoie aux régionales de 2021).

Jean-Guillaume Remise : Conseiller régional du RN en Occitanie & candidat à la mairie de Tarascon (en 2020), alors âgé de 41 ans.

Cyril Hermandinquer : Ancien délégué départemental du RN dans le Loiret en 2020, alors âgé de 38 ans ; conseiller municipal à Maintenon ; conseiller régional ; policier dans les Yvelines & secrétaire national du syndicat policier FPIP (vieux syndicat d’extrême droite).

Adrien Rubagotti : Unique conseiller municipal du RN à Vienne (38) avant de passer chez Eric Zemmour. Candidat aux cantonales à deux reprises dont celles de 2015. S’affiche parfois avec un gilet jaune.

Sophie Grech : Conseillère municipale à Marseille & conseillère régionale en PACA, semble être très proche de St. Ravier

Guillaume PELTIER : Un phénomène multi-cartes à lui tout seul : à 45 ans, il a déjà traversé une multitude de partis & mouvements politiques. A commencer par le FNJ (Front national de la jeunesse), puis le MRN (Mouvement national républicain) de Bruno Mégret après la scission du FN en 1999 ; ensuite le MPF (Mouvement pour la France) de Philippe de Villiers, dont il sera secrétaire général. Puis viendra le tour de l’UMP en 2009 où il animera le courant de La Droite forte à l’intérieur du parti Sarkozyste.

A partir de fin 2019, il sera « vice-président délégué » du parti successeur de l’UMP, Les Républicains (LR) ; il revendiquera sa proximité avec le maire d’extrême droite de Béziers, Robert Ménard, ce qui lui vaudra d’être désavoué par la direction du parti sur ce point. Il soutiendra le candidat à la candidature Eric Ciotti pour le congrès LR du 4 décembre 2021.

Après la victoire de Valérie Pécresse au Congrès puis un tweet pro-Zemmour, Peltier se verra destitué de son poste de vice-président, le 7 décembre 2021.

Peltier a rallié la candidature d’Eric Zemmour, le 9 janvier 2022.

A cause de sa présence aux côtés de Zemmour, sa rivale Marine Le Pen souhaite bon courage à ce dernier en éclatant de rires, et souligne son amusement avec ces mots : « Là où Peltier passe, les campagnes trépassent. »

 

Toujours est-il que la présence de Peltier pourrait risquer de conduire vers Zemmour certains cadres de LR (éventuellement en rupture de ban antérieurement).

Selon des informations du quotidien Le Monde publiées en juin 2021, Peltier aurait, à lui tout seul, poussé une vingtaine de collaborateurs ou collaboratrices parlementaires du parti LR à la démission : conditions de travail immondes, demandes de travail incessantes voire nocturnes, manque total de considération ou de valorisation… 

Bref, un vrai atout pour Zemmour.

 

Nicolas Bay : Il est arrivé sur scène lors du meeting de Zemmour au Mont Saint-Michel en février 2022 sur un fond de musique de film de James Bond, après avoir été soupçonné par Marine Le Pen d’être un agent double entre le RN et le camp Zemmour.

Né fin 1977, il adhère au FN dès 1992, à l’âge de 14 ans mais suivra la scission sous Bruno Mégret en 1998/99 – il sera l’un de ses dirigeants -, avant de revenir au FN en 2009. Il sera entre autres conseiller régional en Normandie, membre du bureau national du parti, eurodéputé et vice-président du groupe d’extrême droite Identité et démocratie au parlement européen.

Plus libéral économiquement que Marine Le Pen ainsi que plus proche des catholiques réactionnaires qu’elle, il avait certains désaccords de ligne avec la présidente du parti devenu RN.

Benoît Kandel : Ancien commandant de gendarmerie, il figure aussi sur Linkedin comme Country security officer pour TOTAL au Surinam, grande démocratie en Amérique du Sud, où il s’occupe bien entendu uniquement de bonnes œuvres humanistes.

Ancien adjoint au maire de Nice, (Christian Estrosi ex-LR), il se vante au même endroit d’avoir installé 850 caméras de surveillance dans la ville. Mis en examen en 2014 sur dix-sept points dans un dossier relatif à la gestion des parkings de la ville de Nice, il sera blanchi par un non-lieu prononcé en 2019, puis portera plainte contre un juge d’instruction, fin 2021.

Il a annoncé son ralliement à Zemmour à la mi-février 2022.

Lorrain de Saint Affrique : Né en 1952, il fût longtemps un inconditionnel attaché à la personne de Jean-Marie Le Pen. Après avoir travaillé au service de presse de Valéry Giscard d’Estaing (alors à l’Elysée) de 1974 à 76 puis milité au CNIP (Centre national des indépendants et paysans, un vieux parti-charnière entre droite et extrême droite), il sera conseiller de communication de Jean-Marie Le Pen de 1984 à 1994.

Bruno Mégret l’écartera en 1994, après que Saint-Affrique ait publiquement déclaré que Mégret (alors délégué général du FN) protégeait « des néonazis et des admirateurs de l’Allemagne hitlérienne ». Mais il demeurera toujours personnellement fidèle à Jean-Marie Le Pen, qui ne détestait pas spécialement l’Allemagne hitlérienne, non plus (et déclara à Munich en décembre 1997 que « les Allemands » constituaient le « peuple martyr » de la Seconde guerre mondiale).

Hors parti politique, il soutiendra Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle en 201 et critiquera Marine Le Pen ; mais se rapprochera à nouveau de Jean-Marie Le Pen dont il deviendra collaborateur au parlement européen, où celui-ci siégeait alors encore.

De Saint-Affrique soutient publiquement Eric Zemmour depuis décembre 2021.

 

VISA, le 7 mars 2022